Pays réputé pour son avant-gardisme dans les droits de la personne et notamment celui des femmes, source d’inspiration pour la société québécoise, la Suède connaît depuis quelques années une tournure importante.
Alors que leurs grands-mères se sont battues sur les barricades pour avoir le droit de travailler, la génération Z fait volte-face aux « privilèges » obtenus.
Dans Det avlånga landet, (Le pays allongé, surnom de la Suède) les filles sont en train d’adopter une nouvelle tendance.
Le soft girl
est un style de vie de plus en plus exposé sur les réseaux sociaux qui fait l’apologie de l’arrêt du travail.
Le retour de la reine au foyer ?
You can dance, you can jive, having the time of your life
Dancing Queen, Abba
Vilma Larsson, 25 ans, avait travaillé auparavant dans une épicerie, une maison de retraite et une usine. Depuis qu’elle a quitté son travail il y a un an pour devenir femme au foyer elle n’a jamais été aussi heureuse.
Ma vie est devenue plus agréable. Je ne me bats plus. Je ne suis plus stressé.
révèle la jeune femme.
Son conjoint travaille à distance en finance. Pendant qu’il passe ses journées devant son portable Vilma se contente d’aller à la salle de sport, prendre un café sur la terrasse ou cuisiner. Le couple vit dans une petite ville au centre de la Suède, mais ils adorent passer les hivers au Chypre.
Chaque mois, il [son copain] me donne une partie de son salaire. Si j’ai besoin de plus, je lui demande. Si je n’en ai pas besoin, j’utilise ce que j’ai »
explique Mme Larsson.
La jeune Suédoise n’hésite pas à exhiber son style de vie sur les réseaux sociaux. Seulement son compte TikTok compte plus de 11 000 abonnés et plus de 349 mille likes.
Malgré sa popularité, la femme affirme ne pas tirer de revenus grâce à ses publications en ligne.
Ses hashtags « hemmaflickvän » ( blonde au foyer ) et « hemmafru » ( femme au foyer ) sont devenus le symbole de la lutte post-féministe et de la lutte contre l’oppression de la femme…au travail. En effet, il paraît que la nouvelle génération de « soft girls » tend à embrasser un mode de vie plus tranquille et plus féminin plutôt que de se concentrer leur carrière.
Vilma Larsson n’est pas un cas rarissime. Des nombreuses influenceuses célèbres, comme : Erica Stolman, Sophia Richie, Mia Jones – ont adopté ce style de vie avant elle. Ces femmes se sont rendu compte que le travail n’est pas un privilège, mais plutôt une forme d’exploitation. La libération par le travail est-elle bien réelle ?.
Après de décennies de politiques visant à promouvoir l’égalité de sexe au travail, ce concept tente à s’effondrer en Occident. Inévitablement, les femmes au travail se sont heurtées des mêmes problèmes que leurs confrères masculins autrefois: stress, fatigue chronique, perte d’estime de soi, dépression, perte d’emploi.
Les ménages à double revenus n’ont pas augmenté considérablement leur qualité de vie. Au contraire, dans les années ’70, une famille ayant un seul revenu pouvait acquérir plus de biens qu’une de nos jours.
Cependant, cette nouvelle tendance ne fait pas d’unanimité parmi les groupes féministes pour lesquelles le statut de la femme se réduit à celui de travailleuse.
Certaines chroniqueuses qui voient les fruits de leur combat en danger culpabilisent les hommes blancs, notamment les « masculinistes toxiques » : « La soft girl est néfaste pour la société », la femme travailleuse est bonne.
Selon ces militantes, le travail fait par leurs grandes mères – élever dix enfants en santé et heureux – est insignifiant comparé aux travailleuses de nos jours qui laissent leur enfant à la pouponnière de 7 à 18 h 00.
Une étude publiée dans le magazine Ungdomsbaromatern en août dernier suggérait qu’un pourcentage de 14 % de filles suédoises de 7 à 14 ans s’identifieraient comme « soft girls », un effet inattendu probablement au succès du film Barbie.
Gudrun Schyman – cofondatrice et ancienne dirigeante du parti féministe suédois Feministiskt initiativ – affirme être très inquiète face à ce phénomène. Elle estime que les femmes vivant de la richesse de leur partenaire sont « très dangereuses » et « un pas en arrière » pour l’égalité des sexes, notamment au fait que ces femmes ne payent pas des taxes pour subvenir au système politique.
De son côté, Mme Schyman pointe du doigt le gouvernement de droite de son pays, le parti nationaliste, le populisme en Europe et aux États-Unis, les réseaux sociaux et OnlyFans.
De son côté, le parti Démocrate suédois n’a manifesté aucune inquiétude au sujet, ses représentants manifestant même leur appui.
Je pense que les gens devraient pouvoir décider de leur propre vie
avait clamé Denice Westerberg, la porte-parole du parti national de la jeunesse.
Et si vous avez la possibilité économique de le faire [vivre d’un partenaire] alors c’est tant mieux pour vous.
Nous vivons toujours dans un pays avec toutes les opportunités de faire carrière. Nous avons toujours tous les droits, mais nous avons le droit de choisir de vivre de manière plus traditionnelle.
Si je ne veux pas que les hommes me disent quoi faire, pourquoi alors que j’en aurais besoin de femmes ?
Source : bbc.com